Le Chemin des Dames

Le Chemin des Dames

du 16 avril 1917 au 24 octobre 1917



La bataille du Chemin des Dames, aussi appelée seconde bataille de l'Aisne ou « offensive Nivelle » a lieu pendant la Première Guerre mondiale. Elle commence le 16 avril 1917 à 6 heures du matin par la tentative française de rupture du front allemand entre Soissons et Reims vers Laon, sous les ordres du général Nivelle. La bataille se prolonge jusqu'au 24 octobre 1917 avec des résultats stratégiques discutés et de très lourdes pertes humaines dans les deux camps.

Les lignes au Chemin des Dames

(Sources : crdp Amiens )



En avril 1917 l'armée française est sortie victorieuse de la bataille de Verdun et en novembre 1916 la bataille de la Somme s'achève. Se pose la question de la suite à donner aux opérations. La décision d'une offensive de grande ampleur est prise. Ce sera une attaque conjointe avec les troupes anglaises sur le front entre Vimy et Reims. Le front a la forme d'un angle droit, d'orientation nord-sud entre Vimy et Soissons, et ouest-est entre Soissons et Reims. Tandis que les Anglais attaqueront sur la ligne entre Vimy et Soissons, les Français le feront entre Soissons et Reims afin d'affronter les Allemands selon deux directions différentes.



Pour prévenir une telle offensive, dont l'ampleur ne permet pas de garder le secret absolu, les Allemands se replient du 15 au 19 mars 1917 sur la ligne Hindenburg. Leur front est réduit de 70 kilomètres. La ligne de défense s'étend désormais dans une direction nord-ouest/sud-est de Vimy à Reims en passant par le Chemin des Dames. Les Alliés mettent une semaine à se rendre compte de l'ampleur de ce retrait. Le plan initial de l'offensive est désormais caduc. Le projet est alors adapté à cette situation nouvelle l'attaque anglaise sur Vimy est dissociée de l'attaque française qui se centrera sur le Chemin des Dames.

Le Chemin des Dames


Ce qu’on appelle le plateau du Chemin des Dames est la partie des plateaux du Soissonnais qui s’étend entre les vallées de l’Aisne au sud et de l’Ailette au nord. A son extrémité est, cet étroit plateau constitue un promontoire, constituant un bel observatoire, qui domine la plaine entre Laon et Reims, ainsi que celle située au sud depuis Soissons.

Les Allemands sont présents sur le plateau depuis septembre 1914. Ils ont eu le temps de transformer cet observatoire en forteresse en aménageant les carrières souterraines (Caverne du dragon), en creusant des souterrains permettant de relier l'arrière aux premières lignes, en édifiant et camouflant de nombreux nids de mitrailleuses. Depuis cette date, c'est un secteur relativement tranquille qui n'a pas fait l'objet, depuis la fin 1915, de grosses offensives. Les Allemands tiennent la ligne de crête et les Français sont établis sur les pentes.



Le Chemin des dames

(Sources : www.1914-18.be)





Le plan Nivelle


ses faiblesses


Le plan d'attaque de Nivelle prévoit une concentration maximale de forces sur 30 km de front. Un bombardement intensif d'artillerie doit préalablement détruire les lignes allemandes. Ensuite, les troupes d'infanterie doivent s'élancer protégées par un feu roulant d'artillerie. Il met en oeuvre la même stratégie d'attaque que celle utilisée par les Anglais dans la Somme, méthode qui a prouvé son inéfficacité. De plus ce plan ne tient pas assez compte de la géographie des lieux qui est très défavorable : les troupes françaises se situant en contrebas du plateau du Chemin des Dames devront fournir un effort surhumain pour grimper les pentes difficiles sous le feu ennemi. Enfin, le bombardement développé sur une ligne de 30 kilomètres ne pourra pas être aussi dense que lorsqu'il se concentre sur un objectif unique.



(Sources : CPArama)



ses objectifs


Donc en utilisant la méthode qui lui a réussi à l'automne 1916 quand il a regagné le terrain perdu à Verdun, Nivelle a l'idée de percer la ligne du Chemin des Dames, entre Reims et Hurtebise, en passant par les cavaliers de Courcy. Une fois les premières et deuxièmes lignes allemandes enfoncées, une armée de réserve sera lancée pour exploiter la trouée et obtenir l'effondrement des armées allemandes. Pour s'assurer de la réussite, la progression des troupes doit donc être très rapide dès le début de l'offensive. Le général Mangin estime que les soldats devront progresser à la vitesse de 100 mètres toutes les trois minutes. Ainsi, il est prévu au soir du premier jour que la VIème armée aura franchi l'Ailette. Le lendemain, la cavalerie couvrira la plaine située au nord de Laon. Quatre jours plus tard, la Somme sera atteinte.



ses moyens


Nivelle prévoit 17 corps d'armée regroupant 56 divisions. Parmi ces divisions, 4 d'infanterie coloniale et 5 de cavalerie. Nivelle, artilleur de formation, compte beaucoup sur l'artillerie pour écraser les défenses allemandes. L'idée est de profiter de la puissance d'une artillerie lourde plus nombreuse qui devrait permettre non seulement d'anéantir les positions de premières lignes mais aussi d'interdire l'arrivée de renfort et de faire taire les canons allemands.

Le plan a également prévu de réduire les contraintes d'approvisionnement. Comme l'Aisne coule au sud, parallèlement au Chemin des Dames, en vue directe des Allemands, pour éviter que l'arrivée des renforts, munitions, etc. ne soit tributaire des points de passage obligés sur cette rivière, d'innombrables ponts et passerelles supplémentaires ont été construits en secret, ainsi qu'un vaste réseau de routes et de voies ferrées supplémentaires.



Passerelle sur l'Aisne

(Sources :www.stleger.info )





le rôle des chars


Pour la première fois, des chars sont prévus pour évoluer à l'est et à l'ouest du Chemin des Dames quand les pentes leur sont praticables. À l'est, du côté de Berry-au-Bac, il y a le groupement de 82 chars Schneider. Un autre groupement de 50 chars Saint-Chamond, est rattaché au 5ème corps d'armée. À l'ouest, du côté de Laffaux, aucun char n'est prévu pour accompagner l'assaut du 16 avril.

C'est ainsi que le premier assaut de chars de l'histoire militaire a lieu le 16 avril 1917. Difficilement manœuvrables, sans tourelle, mal blindés avec des réservoirs de carburant mal protégés, les 22 tonnes du char Schneider en font une cible facile pour les Allemands. Des 128 chars engagés, 57 sont détruits, entraînant la mort ou la disparition de 94 hommes d'équipage et 109 blessés.



ses tactiques


L'artillerie, son rôle est primordial. Un bombardement massif et incessant doit permettre à l'infanterie de progresser rapidement. Les Français disposent ainsi 5.310 canons qui tirent 5 millions d'obus de 75 et 1,5 million de gros calibres. Selon Nivelle, la préparation de l'offensive par l'artillerie doit permettre, de détruire jusqu'aux septièmes voire huitièmes lignes ennemies. Pendant cette préparation, du 12 au 15 avril, 533 obus sont tirés en moyenne par minute. Mais le temps est très couvert durant cette première quinzaine d'avril, d'où des réglages d'artillerie approximatifs. Une fois l'offensive lancée, pour se conformer à la vitesse de progression voulue par Nivelle, le barrage d'artillerie doit avancer, de 100 mètres toutes les 3 minutes.

L'infanterie est chargée de s'engouffrer dans les brèches faites par l'artillerie, nettoyer les premières lignes et prendre les lignes plus en arrière. L'objectif est d'atteindre le sud de Laon avant le soir. 180.000 hommes sont massés au pied des premières lignes allemandes, prêts à s'élancer. Les troupes de seconde ligne doivent dépasser rapidement ces hommes pour bousculer les défenses ennemies et emporter la victoire. En fait, elles se contenteront de les seconder. Les fantassins doivent attaquer en tenue d'assaut. Le règlement d'infanterie de janvier 1917, précise qu'il s'agit de porter, en sautoir, la couverture roulée dans la toile de tente ; un outil individuel, la musette de vivres, la musette à grenades (en théorie, cinq grenades dont deux VB, mais on ira jusqu'à distribuer 16 grenades par homme), un bidon d'eau de 2 litres et un bidon supplémentaire d'un litre, le masque à gaz (deux si possible), des sacs à terre, un panneau de signalisation ou des feux de Bengale, le paquet de pansement, les vivres du jour, les munitions (120 cartouches). En revanche, le sac est laissé sur place. Mais certaines unités attaqueront avec tout leur barda sur le dos. Ce sera le cas, par exemple, des troupes du 20e corps. En plus, ils ont des vivres pour 6 jours.

Les chars disponibles sont éparpillés entre différentes unités afin d'accompagner l'infanterie. Pour monter en ligne, les « batteries » se déplacent en colonne. Pour combattre, elles se mettent en ligne. Le char de commandement a alors deux de ses tanks à sa gauche et le dernier à sa droite. Pour communiquer, le commandant d'unité dispose de fanions, qu'il agite pour indiquer ses ordres. Il dispose aussi de pigeons voyageurs dont les cages sont emportées dans l'habitacle. Au combat, chaque Batterie est accompagnée d'une compagnie d'infanterie. Dans la pratique, l'infanterie se révélera incapable, sous le feu allemand, de suivre les chars.



Les chars Schneider en 1917

(Sources : Le Point )



La Bataille


Un bombardement soutenu du 12 avril au 15 avril 1917, prépare l'offensive. Malheureusement d'une part le mauvais temps empêche les artilleurs d'ajuster correctement leurs tirs et d'autre part la zone de bombardement, large de 30 km, est trop étendue pour une concentration optimale des tirs.

Le 16 avril, à 6 heures du matin, sous un froid glacial et sous des chutes de neige, l'assaut est lancé. Les soldats, transis de froid et de fatigue, grimpent lourdement les échelles et s'élancent vers les lignes allemandes. La Bataille du Chemin des Dames a débuté.

Le 16 avril 1917

En quelques minutes, le massacre commence. Bien retranchés dans des positions très peu entamées par les bombardements, les Allemands ouvrent un feu terrible sur les assaillants. Les Français sont fauchés par un déluge de feu et d’acier qui les prend en enfilade sans leur laisser aucune chance. Le terrain est très favorable aux défenseurs : situation en surplomb, réseau de souterrains desservant des carrières souterraines (les creutes) et des abris bétonnés, alors que les assaillants ne peuvent pas se protéger, doivent grimper une pente souvent raide et progressent sur un sol très instable. Les premières vagues d’assaut sont littéralement mises en charpie en moins d’une heure par les mitrailleuses allemandes bien protégées dans des abris bétonnés.



Soldats français à l'assut le 16 avril 1917

(Sources : History web )



A l'est dans le secteur de Berry au Bac, même les chars d’assaut engagés sont quasiment tous détruits, en panne ou embourbés. En effet, ces chars sont lourds, lents (4 km/h) et restent souvent prisonniers d'un terrain marécageux. Ce sont donc des cibles faciles pour l’artillerie, d'autant plus que le réservoir d'essence placé sur le côté n'est pas protégé. Les pertes là aussi sont lourdes : 33 officiers et 147 soldats.

Mais les ordres sont les ordres. Même devant l’ampleur de la tragédie, aucun officier n’ose s’y opposer. L’une après l’autre, les vagues françaises sont jetées dans la fournaise toute la matinée. De fait, déjà à 7h du matin, il apparaît sans aucun doute possible que l’offensive est ratée. Le simple bon sens commanderait de cesser immédiatement ces attaques suicidaires.

A 14 heures, sur le terrain, la situation ne s'améliore pas. Il s'est mis à neiger et les soldats s'aperçoivent qu'ils ne progressent guère, que l'offensive est un échec. En fin de journée, les gains de terrain sont minimes : les seules avancées véritables sont en fait réalisées en contrebas du plateau entre Soupir et Chivy ou plus à l'est dans le secteur de La Ville-aux-Bois et celui de Loivre au nord de Reims. Ailleurs, c'est-à-dire sur le plateau du Chemin des Dames entre Cerny-en-Laonnois et Craonne, les forces françaises ont été repoussées. Les pertes en revanche sont considérables.



La poursuite de l'offensive du 16 avril au 24 octobre 1917.

Le massacre dure encore 4 jours. Une nouvelle attaque à l'est de Reims est engagée dans le secteur de Moronvilliers. Sur le Chemin des Dames, le fort de Condé et le village de Braye-en-Laonnois sont pris par les Français.

Le 20 avril, l’énormité des pertes force l’état-major français a suspendre provisoirement l’offensive. Mais Nivelle, malgré l’évidence qui lui saute aux yeux avec des rapports de pertes considérables et toujours plus pessimistes, s’entête. Ce n’est que le 22 avril qu’il ordonne finalement de cesser l’offensive massive pour privilégier des attaques plus réduites. Pure folie. Sur le plateau du Chemin des Dames, entre Cerny-en-Laonnois et Craonne, les gains de terrains sont quasi nuls. Les hommes savent maintenant qu’ils se sacrifient pour satisfaire l’égo démesuré d’un général en chef totalement aveuglé et dépassé par l’ampleur de son échec.



Le plateau de Craonne

(Sources : memorial-chemin des dames )



Le 30 avril, l'offensive reprend sur les monts de Champagne. Le 4 mai. Lors d'une attaque surprenant les Allemands, le rebord du plateau de Californie est pris. Le 5 mai les Français réussissent à prendre pied sur le plateau mais ne peuvent déboucher sur l'Ailette. Les ruines du moulin de Laffaux sont prises.

La colère commence à gronder dans les régiments. le 15 mai, le général Pétain remplace Nivelle. Le gouvernement est au courant des premiers actes de désobéissances. Fin mai, Pétain fait face à une véritable mutinerie. 150 régiments refusent de remonter en ligne. Les soldats, qui ont jusque là enduré tant de sacrifices, sont à bout. Ils se révoltent devant l’incurie de leurs chefs. Pour les mutins, le village de Craonne, devant lequel de très nombreux soldats sont tombés, devient le symbole du sacrifice inutile. Sur un air très populaire de l’époque, « La Chanson de Craonne » devient l’hymne clandestin de la mutinerie que les soldats fredonnent entre eux, loin des oreilles de leurs officiers.

Le 4 juin, les offensives prévues en juin sont ajournées à cause des mutineries.

Dans la seconde quinzaine de juin une grande contre-offensive allemande est lancée à la suite des informations sur les mutineries.

Le 25 juin la Caverne du dragon est prise. C'est le début de la bataille des observatoires qui dure tout l'été. Il s'agit d'un ensemble d'opérations pour contrôler des points hauts du Chemin des Dames.



La Bataille de Malmaison du 23 au 25 octobre 1917.

Le 23 octobre, une offensive est lancée sur le fort de la Malmaison qui contrôle l'accès sur la crête du Chemin des Dames. La préparation d'artillerie a été massive et parfaitement coordonnée. Quand les troupes s'élancent, protégées par le feu roulant de l'artillerie, les défenses allemandes sont déjà bien atteintes. Les chars sont de nouveau utilisés mais, cette fois, ils sont plus légers, plus rapides et attaquent frontalement en protégeant les fantassins. La victoire française est nette : les Allemands comptent 8 000 tués, 30 000 blessés et 11 500 prisonniers. Cette victoire ne peut faire oublier le dramatique échec de la bataille du Chemin des Dames mais elle consacre une nouvelle stratégie offensive.



Le fort de Malmaison

(Sources : artois 14-18 )



Le bilan de l'offensive du Chemin des Dames


La bataille du Chemin des Dames est l’échec le plus effroyable de l’armée française durant la Première Guerre Mondiale. Aucune percée décisive, aucune avancée significative. Rien qu’une monstrueuse boucherie inutile. Au final, seules quelques positions stratégiques allemandes ont été enlevées, mais sans aucun avantage stratégique réel.

Une commission d'enquête est instituée, Nivelle est absous et plus tard muté à Alger. Au rapport il est ajouté que « Pour la préparation comme pour l'exécution de cette offensive, le général Nivelle n'a pas été à la hauteur de la tâche écrasante qu'il avait assumée ».



Nivelle ou le charme de l'incompétence

(Sources : bruno-jarrosson )



Les pertes


Cette bataille est vécue comme un échec pour l'armée française. Alors que cette bataille devait être décisive, elle se solde par de lourdes pertes pour des gains sensibles mais insuffisants.

A l’époque, les autorités françaises refusent de donner un décompte précis des pertes. Aujourd’hui, des historiens avancent des chiffres assez concordants qui font état de plus de 200 000 morts et peut-être deux fois plus de blessés en seulement quelques semaines de combats. Du côté allemand, aucune estimation disponible, sinon le chiffre de 300 000 morts avancés par l’état-major français mais jamais confirmé et un écrit laconique du général Luddendorf : « Notre consommation en troupes et en munitions avait été ici aussi extraordinairement élevée. »

Les tribunaux militaires prononcèrent 3.427 condamnations dont 554 à mort ; à sept reprises Pétain refusa de transmettre les dossiers de recours en grâce et 43 mutins furent exécutés.



Le cimetière de Cerny en Laonnois

(Sources : chtimiste )